LORD OF WAR de Andrew Niccol (2005)
Avec :
Nicolas Cage, Bridget Moynahan, Jared Leto, Ethan Hawke, Shake Tukhmanyan, Jean-Pierre Nshanian, Jared Burke, Eric Uys, David Shumbris, Stewart Morgan, ...
Né en Ukraine avant l'effondrement du bloc soviétique, Yuri arrive aux Etats-Unis avec ses parents. Il se fait passer pour un émigrant juif, ce ne sera que la première de ses innombrables falsifications d'identité… Après des débuts dans le restaurant familial, Yuri découvre un commerce beaucoup plus lucratif : celui des armes. Audacieux et fin négociateur, il s'y fait rapidement une place, entraînant son jeune frère Vitali dans son sillage. Les énormes sommes d'argent qu'il gagne lui permettent aussi de conquérir celle qui l'a toujours fasciné, la belle Ava. La jeune femme ignore tout des véritables activités de Yuri. Entre eux, c'est une pure histoire d'amour, qui donne bientôt naissance à un fils. Parallèlement à cette vie de mari et de père idéal, Yuri devient l'un des plus gros vendeurs d'armes clandestins du monde…
On le savait, Andrew Niccol n’est pas un nain de jardin à l’écriture et à la mise en scène : « Bienvenue à Gattaca », « S1mone », « Truman show », « Le terminal ».
Dans « Lord of war », il prend le postulat de placer le point de vue du côté de l’armurier. La première séquence nous montre d’ailleurs, par le biais d’une caméra subjective, un champ de douilles comme pour bien souligner que la parole sera offerte à l’arme de guerre et à celui qui la vend. Et d’entrée, le discours du « Seigneur de la guerre » se propose de faire dans le cynisme, d’un point de vue que l’on a pas l’habitude d’entendre : « Il y a plus de 550 millions d'armes à feu en circulation dans le monde, ce qui fait une personne sur douze possédant une arme à feu. La question qui se pose est la suivante : comment faire pour armer les onze qui restent ? ». C’est extrêmement bien écrit, vif et lucide, sans complaisance, le plus souvent drôle et provocant.
Andrew Niccol va nous promener ainsi, dans son tour du monde de la guerre, avec la voix off de Nicolas Cage et son propos cynique à souhait, en ponctuant sa mise en scène inventive, toujours en mouvement, d’images qui accentuent ou contredisent le point de vue initial. Le cinéma a démontré souvent que ceux qui avaient joué avec la voix-off dans leur narration offraient un décalage de point vue tout à fait enrichissant : « American beauty », « Sunset Boulevard », « Citizen Kane », « Barry Lyndon ». En parlant de ce dernier film, on peut d’ailleurs faire le lien, toute proportion gardée, avec le Maître Kubrick et son point de vue toujours décalé sur les horreurs de la guerre.
Quoi qu’il en soit, il est clair qu’il y a énormément d’ambition dans ce travail. On sent que l’auteur s’est fortement documenté sur son sujet. On pourra seulement regretté que le ton cynique se détricote au fur et à mesure du récit pour offrir petit à petit un regard plus conventionnel et attendu, entrant dans une moralité bien pensante. C’est là évidemment, dans l’audace non soutenue du début jusqu’à la fin de la narration, que « Lord of war », pêche un peu. Mais un peu seulement, car hormis le texte post-film, discours politiquement correct sur les grandes nations marchandes d’armes, l’audace narrative est quasi toujours au rendez-vous.
A souligner aussi l’interprétation de Nicolas Cage, qui n’en fait ni trop, ni trop peu, entièrement au service du cynisme de son texte, offrant ainsi une personnalité tout à fait ambiguë et crédible.
« Lord of war », presque original, presque cynique, presque parfait. C’est déjà pas si mal.