FURYO de Nagisa Oshima (1983)
Ce 3 avril à 19h sur Cinextrême
Synopsis
Java 1942. Pendant la seconde guerre mondiale, un camp de prisonniers. Des soldats anglais détenus par des soldats japonais. Le capitaine Yonoï (Ryuichi Sakamoto) dirige le camp, secondé par le sergent Gengo Hara (Takeshi Kitano). Le colonel John Lawrence (Tom Conti), anglais bilingue, joue l'intermédiaire entre les japonais et les anglais. Assistant au jugement du Major Jack Celliers (David Bowie), le capitaine Yonoï permet au major d'échapper à la peine de mort et de rester prisonnier au camp. A parti de là, un jeu d'oppositions et d'attirances. Une histoire d'amour et d'interdit. Une histoire humaine de codes à dépasser et transgresser, mené avec justesse par ce groupe d'acteurs.
Un récit qui confronte les codes occidentaux et orientaux et qui souligne les incompréhensions et les oppositions. Ce qui est remarquable, c'est que le point de vue est proposé par un japonais, et pas n'importe lequel, Nagisa Oshima, l'un des plus grands metteurs en scène de ce cinéma. Magnifique, parce que le réalisateur ne va jamais chercher à savoir celui qui a raison. Pour mettre en avant les différences, le récit va d'abord chercher les attirances. Non pas celles spécifiques aux japonais ou aux anglais, mais une qui soit de type universelle. Dans un univers de guerre où il n'y a que des hommes, c'est l'homosexualité qui a été choisie. L'attirance d'un officier japonais qui possède le pouvoir pour un officier britannique qui refuse la soumission. Suprême audace d'Oshima d'avoir choisi de salir son propre camp dans cet amour déshonorant parce que son objet est un ennemi ! Un bras de fer psychologique va naître de cette situation. L'atmosphère glauque, malsaine, mêlée de codes d'honneur militaire ancestraux offre un tableau étrange, jamais atteint dans le genre « film de guerre ». Très finement, sans jamais vraiment le dire, le récit souligne les absurdités de la guerre tout en essayant d'en comprendre les germes. La musique sublime de Ryuichi Sakamoto, interprète de l'officier Yonoï dans le film, joue un rôle prépondérant dans l'atmosphère glauque qui transpire de ce film. Pour moi, il s'agit d'ailleurs là d'une des plus belles bandes originales du septième art. Et puis les comédiens, d'une crédibilité incroyable. Bravo à Oshima d'avoir confronté Bowie et Sakamoto en personnages androgynes. La scène où Bowie vient embrasser Sakamoto dans le seul ralenti du film est d'anthologie ! Mais la cerise sur le gâteau, c'est l'interprétation phénoménale de Takeshi Kitano, dont on ne saura jamais vraiment si le personnage est bête ou intelligent, d'une subtilité de jeu incroyable. Un acteur est né ! Voici un extrait de dialogue, entre Kitano et Conti, qui donne bien le ton du film :
- Hara : " Vous avez tous peur des pédés. Un samouraï n'en a pas peur ! "
- Lawrence : " La guerre renforce l'amitié entre les hommes. Mais tous les soldats ne deviennent pas pédés. "
- Hara : " Vous n'êtes que des prisonniers. Pas des soldats. Vous n'avez aucune discipline. C'est pour ça que vous m'implorez. C'est honteux. "
- Lawrence : " Sergent Hara, je n'ai aucun motif de honte. "
Takeshi Kitano : « Oshima était réputé pour maltraiter ses acteurs, alors Sakamoto-san et moi lui avons dit qu'on accepterait de jouer dans son film à une seule condition : que l'on soit bien traités. Du coup, tous les autres se faisaient engueuler sauf nous. Et il les traitait même pire, car il se vengeait sur eux de ne pas pouvoir nous engueuler nous ! »
Avec David Bowie (Jack Celliers), Tom Conti (John Lawrence), Ryuichi Sakamoto (le capitaine Yonoi), Jack Thompson (Hicksley), Takeshi Kitano (Gengo Hara), Johnny Okura (Kanemoto), Alistair Browning (De Jong), Takashi Naitô (le lieutenant Iwata)