GOOD NIGHT, AND GOOD LUCK de George Clooney (2005)
Avec :
Robert Downey Jr., David Strathairn, Patricia Clarkson, Ray Wise, Frank Langella, Jeff Daniels, George Clooney, Tate Donovan, Thomas McCarthy, Matt Ross, ...
En 1953, la télévision était encore une affaire de pionniers, et Edward R. Murrow l’un de ses plus célèbres présentateurs. Son émission captivait l’Amérique en présentant des sujets d’actualité et des interviews sur un ton incroyablement novateur. La vie du pays était alors perturbée par la chasse politique que le sénateur McCarthy menait contre les sympathisants communistes. Jouant sur la peur de l’URSS, l’homme s’acharnait sur tous ceux qui pouvaient, selon lui, avoir un comportement « anti-américain». Une atmosphère de suspicion planait sur les institutions, et les condamnations arbitraires s’accumulaient. Révolté par les méthodes scandaleuses de McCarthy, Murrow décida de réagir. Dans cette bataille, il jeta sa crédibilité et toute la puissance d’un média déjà prometteur. Pour la première fois, un homme de télévision allait servir à faire éclater la vérité...
Le point de vue historique au cinéma, ce n’est pas trop ma tasse de thé. Le genre de travail qui se veut objectif, souvent bien pensant, et qui manque la plupart du temps de créativité artistique. Difficile de mettre de soi quand il faut coller à une certaine réalité objective. Et puis, je pense que l’objectivité historique est tout bonnement impossible à atteindre, elle n’existe pas. Mais c’est surtout en terme de créativité que le bât blesse pour moi. Très rares sont les réalisateurs qui y sont parvenus. Pour moi, le plus bel exemple est celui de James Cameron et son sublime « Titanic » qui se jouait très habilement de cette réalité historique. Et bien sûr, l’incontournable « Citizen Kane » où tout le génie créatif de Welles explosait au visage du monde. Un film comme « Elephant man » de David Lynch démontrait toutes les limites des possibilités de créativité dans un tel contexte de travail historique. Lynch y était parvenu, ci et là, mais le plus souvent, noyé dans un ensemble narratif à la gloire de cette satanée « objectivité historique ». « Ray », que j’ai vu dernièrement, n’avait comme seul intérêt d’en apprendre sur le personnage. Rien de très « cinématographique », là-dedans. Et je ne parlerai pas des innombrables films tels que l’horreur « Hôtel Rwanda », véritable voyeurisme cinématographique sur la misère du monde. Ce genre cinématographique est plus proche du documentaire que de la créativité artistique dont l’intérêt principal est le sujet abordé. Bref, cinématographiquement parlant, pas grand-chose à se mettre sous la dent dans cette optique de travail.
Compte tenu de ce que je viens d’énoncer, l’approche cinématographique de George Clooney ne devait pas beaucoup m’intéresser. Mais voilà, il se trouve que sans être un cinéaste de premier rang au talent inné, Clooney propose une vision intelligente, fine et authentique. C’est vrai qu’il confirme, quatre ans après « Confessions d’un homme dangereux », ce goût pour l’adaptation d’histoire vraie, qu’il tente de rendre le plus fidèlement possible. Mais derrière cette volonté d’approcher l’Histoire, il en existe une autre, certainement plus authentique, de parler du monde de la télévision. En effet, le père de Clooney était présentateur de télévision pendant plus de trente ans. Dans une premier temps, une démarche freudienne donc, d’abord dans « Confessions d’un homme dangereux » et son récit sur la vie de Chuck Barris, animateur de télé très populaire et officieusement tueur professionnel. Ensuite, avec ce film, « Good night and good luck », qui nous plonge dans l’ambiance de terreur des années 50 en plein maccarthysme, une nouvelle fois par le biais du monde de la télévision et plus particulièrement avec le journaliste Edward R. Murrow, qui a fait éclater au grand jour les dérives du sénateur McCarthy.
Authenticité et réalisme, deux maîtres mots dans la démarche, du réalisateur, également co-scénariste avec Grant Heslov. Pour respecter au plus près la restitution du climat de l’époque, pour éviter toute manipulation, Clooney décide d’incorporer des vraies images de l’époque, notamment celle de McCarthy. Le résultat ressemble ensuite à ce qu’on a pu voir déjà dans des films tels que « Zelig » de Woody Allen ou « Forrest Gump » de Robert Zemeckis, mais chez Clooney, uniquement dans une optique de coller au plus près d’une réalité historique. Et pour que chaque élément s’emboîte correctement, Clooney décide de tourner en noir et blanc, dans un but de cohérence entre la fiction et les inserts d’archives en images.
Le moins que l’on puisse dire est qu’il s’agit ici d’un travail très propre et maîtrisé, avec une volonté de mise en scène également. On se retrouve presque dans un huis clos, dans un espace extrêmement confiné dans les studios de télévision et quelques bureaux. Les personnages sont presque toujours statiques et il fallait donner du mouvement à l’image, chose que Clooney réussit particulièrement bien, par des mouvements de caméra inspirés et un montage astucieux, tout en finesse. Un travail très propre donc, un peu trop peut-être, qui offre un spectacle très froid, sans grande passion, encore et sans doute pour privilégier l’authenticité au sensationnel. Démarche louable, mais qui rend quelques moments rébarbatifs, avec également un récit ultra dialogué, qui prend sur le pas sur l’image, et qui asphyxie quelque peu la narration. Pourtant, Clooney, avec sa chanteuse de jazz qui vient couper le récit par intermittence, semble vouloir travailler sur ce problème, mais l’ensemble reste assez déséquilibré. Quelques personnages secondaires, tels que ceux interprétés par Robert Downey Jr et Patricia Clarkson, souffrent également d’un manque d’approfondissement à l’écriture.
Malgré ses quelques défauts, « Good night and good luck », offre un remarquable travail, surtout en matière d’authenticité et volonté de bien faire. Un regard nostalgique sur la liberté d’expression de la presse de papa, ses audaces et sa droiture. Et puis tout simplement, l’image et la parole offerte à la liberté d’expression, qui résonne dans l’actualité de l’Amérique très controversée de Bush.