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On refait le film !
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  • On refait le film avec une mauvaise foi pas possible ! Le septième art dans toute sa diversité. Critiques, jeux, analyses en images, débats, échanges d'idées. Du cinéma pour le plaisir et la réflexion...
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25 septembre 2005

LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES de Marlon Brando (1960)

animation_vengeance

Avec Marlon Brando, Karl Malden, Katy Jurado, Pina Pellicer, Ben Johnson, Slim Pickens, Larry Duran, Sam Gilman, Timothy Carey, Miriam Colon, Elisha Cook Jr.

Synopsis

Ayant attaqué une banque, Rio et Dad sont pris au piège. Ne leur restant qu’un seul cheval pour s’enfuir, ils tirent au sort celui qui partira avec le magot à charge de revenir avec des renforts. C’est Dad qui l’emporte mais ce dernier disparaît dans la nature laissant son compagnon être inculpé seul du vol. Cinq ans plus tard, Rio s’évade de prison bien décidé à se venger de Dad, devenu shérif.

icon12Mon avis

La seule et unique réalisation de Marlon Brando. 

Un film qui revient de loin et qui a connu les pires difficultés pour se mettre en place.  D’abord, le courant qui ne passe absolument pas entre Brando et Kubrick initialement à la mise en scène.  Brando parvient à mettre le réalisateur à la porte et à s’emparer de la mise en scène.  Même si le résultat est sublime, on se demandera toujours ce que Kubrick aurait fait.  Les difficultés ne faisaient que commencer avec pour finir un dépassement incroyable du budget initial, un dépassement de quatre mois de tournage et un montage qui connaît de très sévères coupes.

Le film s’inscrit dans le genre western et pourtant le travail effectué s’oriente vers la destruction des codes narratifs du genre auxquels on était habitué.  Le film commence pourtant par des scènes typiques de western avec le pillage d’une banque, une course-poursuite à cheval, un saloon avec des filles.  Mais tout ça, filmé en un rien de temps et sans dialogue, comme pour indiquer que cela fait trop cliché pour s’y arrêter.  Enfin on s’arrête sur une séquence d’exposition du personnage central où Brando fait la cour à une fille et montre rapidement qu’il n’est en réalité qu’une petite crapule et un mufle.  Une entrée en matière des plus intéressante, très atypique, surtout qu’on se situe en 1960, un peu avant que Sergio Leone ne s’oriente, lui aussi, dans la même voie de destruction des codes narratifs du western.  Des séquences d’entrée qui bousculent les stéréotypes et qui ne sont qu’un préambule à un récit qui s’orientera dans la même voie jusqu’à la fin du film.  Même le happy end final, également tourné à la va-vite, comme si on avait pas pu faire autrement, aura un goût amer de bonheur extrêmement fragile… comme un fruit avec un ver à l’intérieur. 

lavengeanceauxdeuxvisagesbfrTous les personnages ou presque sont dessinés avec un coté sombre et un côté lumineux.  Brando, comme dit plus haut, montré d’entrée comme une petite frappe, avec une image du héros abîmée et sali dont il ne parviendra jamais à se défaire totalement.  Karl Malden, celui qui l’a trahi honteusement, devenu shérif, et qui semble maintenir le calme et le bonheur dans sa juridiction et dans sa famille.  Pina Pellicier, la belle-fille de Malden, montrée comme symbole de pureté et qui couche avec Brando en quelques secondes, n’entre pas vraiment dans les habitudes Hollywoodienne de l’image stéréotypée de l’héroïne. Katy Jurado, femme de Malden et mère de Pellicier, bonne mère et bonne épouse, hésite longuement entre le bonheur de sa fille et son confort personnel.  On pourrait poursuivre ainsi jusque dans les plus petits rôles.  Même le village tout entier connaît le même traitement.  D’abord décrit comme un havre de paix et de bonheur, il se  pose en voyeur et se délecte tout à coup de la torture infligée à Marlon Brando par Karl Malden.  On le voit, on est très loin du manichéisme habituel.

Le titre anglais « One-eye Jacks », signifiant « le valet à l’œil unique » et qui fait référence aux valets des jeux de carte dont on ne voit qu’un seul profil.  Ici, il s’agit du profil de Dad, alias Karl Malden, dont seul Rio/Brando connaît l’autre profil : « Tu possèdes deux visages, je suis le seul à connaître le vrai ».  Le seul, pas tout à fait, car le spectateur est lui aussi au courant.  Un film qui se fout pas mal du suspense et qui s’intéresse davantage à la psychologie des personnages tout en s’amusant à en pervertir tous les codes.  Dad, comme symbole du père qui a trahi la confiance de ses enfants et qui joue subtilement la partition freudienne.

Le titre français, lui, indique que le thème de la vengeance sera abordé.  Une vengeance à deux visages… la première très classique et naturelle en réaction naturelle à une trahison lourw105_one_eyedjacks_bigde de conséquence.  Rio/Brando payera cinq ans de sa vie dans une prison ! Et puis, deuxième phase où lentement et douloureusement, on assiste à l’extinction totale de ce sentiment de vengeance.  Du moins dans le chef de Rio/Brando, car Dad/Malden va vouloir lui se venger de celui qui a voulu se venger !!! Là aussi, la perversion du code « vengeance » est assez ahurissante !

La mise en scène de Brando colle à son image d’acteur, lente, ironique et brutale à la fois qui s’amuse à déwesterniser perfidement le western.  Perle rare qui fera regretter que Brando ne soit passé derrière la caméra plus souvent.

Je classe ce film dans mon top 10 de l'année de production 1960 :

1. "Psychose" de Alfred Hitchcock
2. "Spartacus" de Stanley Kubrick
3. "Un taxi pour Tobrouk" de Denys de la Patelière
4. "L’île nue" de Kaneto Shindo
5. "La vengeance aux deux visages" de Marlon Brando
6. "Les désaxés" de John Huston
7. "Alamo" de John Wayne
8. "Les sept mercenaires" de John Sturges
9. "A bout de souffle" de Jean-Luc Goddard
10. "Le village des damnés" de Wolf Rilla

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Commentaires
B
ce film est resté imprégné dans ma mémoire depuis sa sortie - je viens de le revoir 40 ans après avec la même "avidité" et la même passion - dommage que Brando n'en a pu faire qu'un seul!!
C
Je l'ai vu en entier ces vacances, et j'ai beaucoup aimé. Brando est absolument sublime.
S
Rrrroooooooo cette analyse encore!!!<br /> J'avais JAMAIS fait gaffe!!!!! :-)))<br /> Mais quel génie!! ^^<br /> <br /> Chris, on en a bcp parlé la denrière fois qu'on s'est vus de ce film, donc je connaissais plus ou moins toutes les tites anecdotes ;-)<br /> J'adore ce film! Je déplore vraiment que Brando n'ait réalisé que celui là!! :-(((
C
;-)))))
E
C'est marrant, mais de voir "La vengeance aux deux visages" à côte de "Twin Peaks" me fait penser à une relation entre les deux films car le titre "one-eyed jacks" fait écho... <br /> <br /> Dans mon souvenir de Twin Peaks (la série en tout cas), un des lieux fréquentés est le bar "Jack-n'a-qu'un-oeil" (j'imagine que c'est la traduction de l'anglais "one-eyed jack", non) ? <br /> <br /> Si cette disgression tient la route, et si je m'en tiens à ton explication de ce qu'est un "one-eyed jack", le valet dans les jeux de cartes dont on ne voit qu'un des deux visages, alors je dirais que j'adore encore plus Twin Peaks : ce film est un dédale de pistes que l'on peu suivre ou non, d'indices qui forment un puzzle pour qui veut bien jouer. Parce que rien qu'avec le nom de ce bar, "one-eyed jack", le valet dont on ne voit jamais qu'un des deux visages, il donne d'une certaine manière la clef de l'enquête de Twin Peaks, non ?<br /> <br /> Mais j'extrapole sans doute. Avec Lynch, who knows ?
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