MON TRESOR de Keren Yedaya (2003)
Avec :
Ronit Elkabetz, Dana Ivgi, Meshar Cohen, Katia Zinbris, Shmuel Edelman, Sarit Vino-Elad,
Or a 17 ans. Elle et sa mère, Ruthie, vivent dans un tout petit appartement de Tel-Aviv. C'est la misère. Alors Or cumule les petits boulots, il lui reste peu de temps pour le lycée et surtout peu de disponibilité : sa mère se prostitue et Or utilise toute son énergie à l'en empêcher. Mais Ruthie ne pense qu'à tromper la vigilance de sa fille qu'elle appelle tendrement "ma lumière, mon trésor". Or va ployer sous cette charge trop lourde pour elle : quelle issue lui reste-t-il ?
Mon avis
La normalité de l’anormalité. Une sensation que tout peut basculer à tout moment et l’intuition que rien ne changera jamais. Le quotidien désenchanté, qui se répète jour après jour, heure après heure, seconde après seconde. Le quotidien gris, perpétuel, infini, où la lueur d’espoir semble vaine et qui finit par user toutes les forces de vie. Le désespoir et la médiocrité qui se profilent en maître du destin, mécanique, que rien ne semble pouvoir arrêter, et qui a jeté son dévolu sur cette fille et sa mère. Médiocrité, oui, mais pas vulgarité, car dans cet enfer de vie, il reste encore un semblant de dignité et d’humanité qui se traduit ici par la tendresse des mots, des gestes et des sourires. Plongée dans le silence de la culpabilité, la mère, zombie de la vie, réussit encore cette ultime communication avec sa fille en l’appelant « Mon trésor ». Un dernier soupir d’amour avant la chute inexorable vers la mort de la vie, peut-être pour demander pardon de lui avoir transmis le seul bien qu’elle possédait : l’enfer.
Keren Yedaya, observe sans dénoncer, montre sans démontrer, regarde sans juger. L’œil de réalisatrice israélienne, neutre et glacial, éviter ainsi les discours de l’apitoiement, le mélodrame, une surenchère du misérabilisme. Une mise en scène ultra-réaliste, proche du documentaire, sans concession, qui fait penser au travail des frères Dardenne, avec cette caméra qui semble violer en permanence l’intimité des secrets de la honte. « Mon trésor » où le regard sobre sur la misère, qui a séduit l’ensemble de la presse, se traduisant par la récompense d’une Caméra d’Or au festival de Cannes 2004.